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Sport- Loulou Ogou, ancien footballeur et international ivoirien: “Il n’y a pas de transparence dans le football ivoirien”

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Loulou Ogou, international footballeur ivoirien est de retour après 35 ans passés en France. Il est actif en ce moment du côté de Dabou où il s’attelle à monter une équipe de football.

Q: On peut savoir davantage sur votre parcours professionnel ?

R: J’ai commencé ma carrière dans les clubs amateurs, depuis Abobo, Rio d’Anyama, Stade d’Abidjan, Socraff de Dabou qui m’a révélé, un tour à l’Asec, Paris St Germain et le Racing club de Toulon. Donc j’ai aligné le football amateur et professionnel.

Q: Quel a été le rôle joué par le Socraff dans le championnat en son temps ?

R: Effectivement c’était à l’avènement du ministre René Diby qui avait pris les rênes de ce club en son temps. C’est une équipe qui jouait le lead en son temps dans le championnat. Il y avait de grands noms comme Amara Touré, M’Baye Ndour, Justice Mour, Ismaël Bakayoko, Loulou Ogou… Il y’en a plein. Effectivement, on a fait bouger les lignes en Côte d’Ivoire au moins 3 ans de 1984 à 1987. On était à la Une. On rivalisait avec les grands clubs d’Abidjan. Et ça m’a permis d’avoir une sélection en équipe nationale.

Q: Qu’est devenue aujourd’hui l’équipe?

R: Pour des problèmes internes, le ministre a laissé l’équipe. Jusque là, la ville de Dabou n’a plus d’équipe pour jouer le lead. D’autres ont essayé, ça n’a pas marché. Aujourd’hui à Dabou le sport est complètement éteint.

Q: Vous avez cité de grands noms. Qu’est-ce qu’ils deviennent pour certains?

R: Amara Touré, paix à son âme, est décédé ; Justice Mour, je ne sais pas ce qu’il devient ; Ismaël Bakayoko est consultant, Memel Martin Abega est là; y’en a beaucoup d’autres qui sont décédés.

Q: Parlez-nous de votre carrière internationale. Comment s’est-elle déroulée ?

R: Les maux qui minent notre football actuel font que je n’ai pas eu une carrière professionnelle aboutie. Je suis quitté ici après deux années où j’ai excellé dans le championnat national. Je suis arrivé en France dans l’inconnu sans avoir été suivi par la fédération dont c’est le travail. Je suis allé au Paris Saint-Germain où j’étais dans le centre de formation avec le magicien Yougoslave qu’on appelle Saffet Suzic qui était en équipe première du PSG dont le président était Francis Borelli. Moi j’étais en équipe junior. Mais une équipe junior du PSG, en son temps, c’est une équipe de première division. Je suis arrivé comme ça au PSG, j’ai signé pour un an. Je n’avais pas d’argent. Je ne savais pas qui pouvait m’aider…

Q: Mais comment êtes-vous parti?

R: Je ne suis pas allé au PSG directement. Je suis allé d’abord dans la clandestinité en France pour voir ma sœur. C’est de chez ma sœur je suis arrivé au PSG où après un test ils m’ont retenu. J’étais donc en junior où je surclassait mes coéquipiers. Les gens se disaient mais celui là il n’a pas le niveau junior! Mais comment je pouvais en ce temps intégrer l’équipe première? Il fallait une organisation, que depuis mon pays les conditions soient réunies. C’est pas que je n’avais pas le niveau. Comment je pouvais m’inserer dans cette grande équipe du PSG qui comptait en son temps des noms comme Oumar Gueye Senn. C’était pas du jeu. Je suis arrivé comme ça, dans l’inconnu. Du coup, ça ne pouvait pas marcher. Puisque j’étais en junior. Pour quelqu’un qui a été classé troisième meilleur buteur du championnat national, je me suis dit que cette situation ne me sied pas. L’année qui a suivi, je suis allé au Racing club de Toulon. À Toulon, le même problème s’est posé avec Roland Courbis qui était l’entraîneur et Zahui François, le capitaine. Je suis arrivé au Racing club de Toulon sur demande d’un dirigeant qui était professeur de maths ici à Gagnoa. Quand je suis arrivé, les trois semaines d’essai que Roland Courbis m’a donné, j’ai surclassé l’équipe première. Zahui François en est témoin. Mais je suis arrivé dans des conditions qui ne pouvaient pas permettre à Roland Courbis de me recruter.

Q: Quels étaient ces conditions ?

R: C’était un problème de quota d’étrangers. Quand je suis arrivé, j’étais le 7e étranger sur la liste de Courbis et j’étais le dernier à arriver. Moi n’ayant pas de contact direct avec l’entraîneur, lui avait déjà ses priorités. Je venais bousculer la hiérarchie. Donc lui, il me fait des propositions. Il me dit je t’emmène en Corse pour jouer en 4e division. Après six mois, tu viens et je te fais signer pro. Je  lui ai dit que je n’ai pas de soucis mais mon tuteur c’est Zahui François. Zahui lui a demandé que je sois intégré maintenant. Courbis lui a dit attend, il y’a François Paganeli qui est là, qui est étranger, il y’a Roger Mendy qui est étranger, il y’a Cyrille Makanaky qui est étranger, il y’a Bédé James, notre Abdoulaye Traoré, François Kazoni et un argentin du nom de cheval blanc. On était huit étrangers qui étions là. C’est pourquoi il m’a dit je t’envoie en Corse dans un club de 4e division qu’il parrainait. Moi j’étais chez Zahui. C’est lui qui a dit il faut qu’il signe maintenant ou alors son manager va me trouver un club.

Q: Finalement qu’est-ce qui s’est passé ?

R: Finalement, le manager de Zahui m’a trouvé un club à l’Est de Paris, à Maud. Je suis arrivé là bas, j’ai vu que ça ne me sied pas. Je ne suis plus allé au haut niveau. J’ai mis fin à ma carrière. J’ai dit je vais m’insérer dans la vie courante. C’est comme ça que je suis allé trouver une petite équipe qu’on appelle US Sucy Embrie que j’ai fait monter en division régionale. C’est avec eux que j’ai réussi à m’insérer dans la vie courante. Ça été donc une symphonie inachevée pour ceux qui m’ont connu, vu jouer dans le championnat de Côte d’Ivoire. C’est pas parce que je n’avais pas les capacités. Mais par manque d’organisation, d’encadrement. Aujourd’hui, c’est la plaie que nous avons. Ce sont des milliers de joueurs que nous avons perdu comme ça parce qu’on a une fédération qui ne comprend rien dans les choses.

Q: En tant qu’ancien et victime d’une telle situation, avez-vous penser à comment remédier à ces déperditions pour les plus jeunes qui arrivent?

R: Ça fait 40 ans que j’y pense. Mon souci, c’est lequel? c’est vrai qu’on n’a pas besoin de politique en sport mais les dirigeants font de la politique en sport. C’est dangereux. C’est l’inverse qu’on devrait faire. C’est à dire que les dirigeants qui s’occupent du sport ne devraient pas faire de la politique et que les politiciens devraient faire en sorte que le sport se porte bien. C’est des choses qu’il faut dissocier. Il y’a des solutions. Mais il faut trouver des hommes. La solution qui a fait que moi j’ai commencé à me faire entendre, c’est l’avènement de Didier Drogba.

Q: Quelles justement sont les motivations de votre soutien à Didier Drogba ?

R: Mon soutien tient en premier lieu, au fait que je me dis qu’il a pratiqué le football. Pour quelqu’un qui n’a pas pratiqué le sport, il ne peut pas avoir l’esprit zen de pouvoir régler les difficultés. Les dirrigeants que nous avons eu jusque là n’ont jamais pratiqué le sport. Ils n’ont pas dans leur ADN le sport. Je vous donne un exemple. Moi j’ai été au Stade d’Abidjan où Me Mondon était le président. L’entraîneur Waby Gomez, il nous revient, je suis dans les 18 joueurs qui partent au Nigeria pour la coupe d’Afrique contre Enugu Rangers pendant la mise au vert, et dit Loulou Ogou tu dois quitter la mise au vert parce qu’il y’a Sina Gbane et Didier Otokore qui doivent vous rejoindre. C’est frustrant. C’est décevant. C’est pas professionnel. Pour quelqu’un qui a fait le sport, il ne peut pas agir de la sorte. Au risque de le casser. C’est ce qui a motivé mon départ du stade pour la division corpo et de là je me suis retrouvé au Socraff. Sinon je suis un pur produit du Stade d’Abidjan. Donc quand j’ai entendu que Didier se présente, je me suis dit voici la pièce de rechange. Il a joué au haut niveau, il connaît le sport professionnel, il a les capacités de sa politique qu’il va faire. Je pense que lui il peut se mettre dans la peau d’un footballeur même amateur pour voir comment il peut évoluer. Et quand j’ai lu son programme, j’ai vu en plus qu’il a un bon programme. Seulement, il faut qu’il sache manager. Il faut qu’il trouve des personnes qui ont vécu dans le football amateur, qui connaissent l’esprit, la mentalité et les difficultés. Moi je suis à sa disposition.

Q: La Fif à cause des dissensions liées à cette élection est sous tutelle. Quel est votre avis ?

R: Je dis que Dieu sait faire les choses. Le football ivoirien, pour un grand pays comme la Côte d’Ivoire, il n’y a pas de raison qu’on ait des résultats en dent de scie. Tout simplement parce que il y’a un manque d’organisation. Parce que dans le mal que nous avons quels sont les acteurs ? Ça c’est une première question. C’est des gens qui ne connaissent pas. Si ils connaissaient, le football ivoirien ne serait pas déchiré de la sorte. Le résultat du football, c’est l’équipe nationale. Mais l’équipe nationale est l’émanation d’une bonne organisation de base pourque cette équipe nationale soit maintenue, stable, pérenne. Mais quand il n’y a pas cette bonne organisation autour, c’est difficile qu’on ait une équipe nationale. Or l’équipe nationale, c’est le fanion du football d’un pays. Donc l’avènement de la normalisation, c’est une bonne chose. C’est Dieu qui a voulu que le moment arrive.

Q: Pour vous c’est l’occasion de repartir sur de bons pieds?

R: Oui! Ce sera l’occasion de repartir sur de bons pieds. Mais comme je l’ai dit, il faut avoir les hommes. La normalisation va faire son travail. Après elle va laisser la place au président qui va arriver. Et celui qui va arriver, pour qu’il puisse réussir, il faut que les conditions soient réunies. La première condition pour réussir c’est d’abord la mentalité. Il faut la changer avec les textes et une administration forte. Il faut que la mentalité soit assainie.

Q: Comment assainir les mentalités ?

R: D’abord, au niveau des textes. Les textes que nous avons ne sont pas justes. Ce sont des textes qui ne font pas l’unanimité. Or le football association, c’est le vivre ensemble. Mais si on fait des textes taillés sur mesure, en ce moment le jeu est faussé.

Q: Quels sont aujourd’hui vos projets sportifs?

R: Comme vous le savez, il y’a un chamboulement, une réorganisation du football qui arrive. Je viens apporter ma contribution à la zone qui m’a fait connaître qui est la ville de Dabou. C’est un projet qui est en accointance avec le changement qui arrive. C’est à dire le bon programme de Didier Drogba. Pour quelqu’un qui connait le football, il ne peut pas aller en marge de son programme.

Q: Ce projet, c’est la renaissance du Socraff de Dabou qui vous a révélé.

R: Oui! Mais au-delà, c’est la renaissance du football que nous voulons dans la région et qui est complètement éteint. Le football il faut l’organiser, le rendre pérenne dans la région. Je suis dans l’esprit même du programme de Didier. Il va beaucoup apporter. Il faut lui donner l’occasion. J’ai toujours dit que si le temps me le permettait, je serai là pour soutenir ce programme. Je suis là!

Q: À quelle étape de la formation du club en êtes vous?

R: Nous avons bouclé l’étape des démarches administratives. Nous sommes entrain de mettre l’équipe première sur pied pour voir si nous pouvons compétir. Déjà le 20 mars 2021, nous avons une réunion par rapport à cette question. Mais avec l’avènement de la normalisation, il y’a des choses choquantes qui ont été ressorties. Lors de la passation des charges, la Fif a fait exprès d’omettre que le football amateur n’existe pas. Que les clubs s’arrêtent au niveau de la 3e division. C’est fait sciemment.

Q: Pourquoi vous dites cela ?

R: Il y’a une fédération. Ceux qui sont membres normalement sont statutaires. Si les clubs amateurs qui sont les centres de formation, les clubs qui sont en division régionale et de District payent leurs cotisations, c’est gravissime de dire qu’ils n’existent pas. C’est grave que Mme Gabala (présidente du comité de normalisation de la Fif) ne sache pas que, lors de la passation de charges, ces clubs n’existent pas. Je suis sidéré que la Fif n’ait pas signifié qu’il existe un championnat de district et de région. Si c’est pas l’escroquerie morale et financière, on ne peut pas raisonner comme ça. La dame a regardé dans les statuts et a constaté qu’ils sont statutaires. En plus, on ne peut pas être affiliés et puis dire qu’on ne vote pas. Il y’a plus de 370 clubs amateurs qui existent. Ce sont tous ces maux qu’ il faut régler. C’est une des raisons qui font que je soutiens Didier Drogba. Il n’y a pas de transparence dans le football ivoirien.

Q: Est ce que ce n’est pas parceque les sportifs eux-même ne s’intéressaient pas à leur chose que c’est ainsi ?

R: C’est vrai qu’on peut vouloir briguer la présidence de la Fif mais il faut avoir les moyens de sa politique. De la manière les choses étaient faites par la fédération, c’était un système qui était verrouillé. De sorte que personne ne pouvait s’approcher. La preuve, si Mme Gabala est entrain de faire un toilettage des textes, c’est parce que ce sont ces textes qui ont permis ce genre de comportement. Après le toilettage des textes, il faut avoir des personnes nouvelles qui veulent apporter une organisation professionnelle. C’est en cela que le jeu est intéressant.

I.T