Suivez nous sur:

Actualité

Justice-Voici ce qu’attendent des proches de victimes d’Amadé Ouérémi à Duékoué-Carrefour

Publié

le

Le 28 mars 2011, le quartier carrefour est attaqué par une bande armée dont le chef de file serait Amadé Ouérémi. Cette attaque fait des centaines de morts en une journée. Cueilli en mai 2013 au coeur de la forêt classée du Mont Péko, où il avait fait des plantations de cacaoyers sur plusieurs centaines d’hectares, Amadé Ouérémi est en jugement depuis le mercredi 24 mars 2021. Un procès qui vient à propos, selon des habitants du quartier carrefour que Laurore.net a rencontrés.
<<Je suis ici depuis 1993. J’ai vu plusieurs crises ici depuis 2002 mais, particulièrement, celle que nous avons vécu après l’élection présidentielle de 2010 est difficile à oublier. Nous avons perdu beaucoup de parents dans cette crise post-électorale. Un  mardi 28 mars de l’an 2011, nous étions là et subitement, nous avons vu des chasseurs “dozos” et des hommes d’Amadé Ouérémi nous envahir. Sans autre forme de procès, ils tuaient et pillaient tout sur leur passage.  Des enfants innocents ont été couchés sur l’espace de l’église céleste et mitraillés comme de vulgaires voleurs. Des parents ont été enlevés, attachés à des caféiers et abattus ici. La forêt qui voisine le quartier était plein de cadavres. À nos corps défendant, nous partons dans cette broussaille pour rechercher les corps des parents qu’on ne retrouvait pas. C’était pénible ce que nous avons vécu avec Amadé Ouérémi et tous  ceux qui nous ont envahis ce jour-là>>, se remémore Joël Koho.
Après cet échange, nous rencontrons Georges Doué en charge de l’entretien de la fosse commune, en bordure de la voie principale du village. Avec lui évoquer cette page douloureuse de son existence est difficile. Ses yeux se mouillent. La gorge nouée, il parle tout de même. <<C’est un peu triste ce procès. Amadé Ouérémi n’a pas agi seul. Nous savons qu’il a reçu l’ordre d’exécuter la population. Comme l’un de ces tueurs a été pris, les autres aussi tôt ou tard répondront de leurs actes. Nous avons trop souffert dans la main d’Amadé Ouérémi. Comment des personnes qui n’ont rien fait, des vieux, des enfants et des vieilles qui sont en train de marcher ou fuir, des individus les voient et tirent sur eux à bout portant. Pendant cette crise meurtrière, nos bourreaux venaient avec des véhicules de type Kia pour vider nos maisons et après ils y mettaient le feu. C’était des attaques bien préparées, vu la manière dont les choses étaient menées. De Bagohouo jusqu’au quartier carrefour, c’était l’horreur>>, se souvient-t-il.
Pour lui, il est inconcevable qu’un Diaby qui n’a aucun lien avec la crise et les massacres de Duékoué parle au nom des victimes.
<<Cela fait déjà 10 ans que cela s’est passé. Personne n’a pensé que le mécanicien transformé en tueur patenté, pouvait être jugé. Certains disaient que les autorités vu l’étroitesse des liens avec le Burkina Faso avaient fait partir Amadé Ouérémi dans son pays. Cela faisait mal. Mais aujourd’hui, la réalité est toute autre. Amadé est en train d’être jugé, c’est vraiment soulageant, même si nous ne pouvons pas oublier totalement. Cela apaise tout de même nos coeurs qui continuent de saigner depuis toutes ces années. C’est bien qu’il soit arrêté et jugé. Nous suivons plus ou moins le procès. Mais il y a une grosse défaillance à relever. Comment un Diaby peut parler au nom des victimes des massacres de Duékoué. C’est inadmissible, tout cela.  Quand j’ai vu sur la toile et sur les chaînes de télévision internationale, des gens qui n’ont jamais été victimes encore moins témoins d’une quelconque exaction viennent parler au nom des personnes meurtries à jamais, j’ai des pincement au cœur quand je vois et entends tout cela. Il faut revoir tout cela. Des gens qui se sucrent sur le dos des victimes, il faut revoir tout cela. Il faut interroger les natifs de ce quartier où des exactions ont été commises pour connaître réellement les besoins et les attentes des populations victimes. On ne peut pas se lever pour être responsable des victimes pourtant, on n’a été victime de rien>>, dénonce-t-il.
Se nourrir, véritable chemin de croix
<<Malgré que tout a été détruit ici, nous vivons tout de même. On a commencé à se refaire grâce à des ONG qui ont apporté assistance en son temps. Mais le hic aujourd’hui, c’est qu’il n’y a plus de terres cultivables pour les vivriers. Les campements abandonnés hier ont été colonisés et toutes les terres arables sont occupées par des plantations de cacaoyers. Les villages qui autrefois ravitaillaient nos villes sont aujourd’hui ravitaillés par la ville. On vient chercher des légumes, le riz et tout ce qui est denrée alimentaire en ville. C’est grave tout cela. Tout s’achète sur le marché. Aujourd’hui le cacao s’achète difficilement. Comment faire pour manger si on n’a pas d’argent >>, fait savoir Georges Doué. Poursuivant, ce dernier invite la justice à faire venir à la barre tous les commanditaires dont parle Amadé Ouérémi. Ce qui soulagera encore plus la population.
<<Le bout du tunnel n’est pas loin. Le procès a débuté. Il faut que les autorités appuient sur l’accélérateur pour que tout cela finisse et que la paix et la réconciliation reviennent véritablement. Le peuple wê est le peuple le plus gentil. Il y des peuples qui vivent seuls. Mais ici nous avons accueilli tout le monde. Amadé Ouérémi a parlé, qu’il a reçu les tenues militaires des gens pendant qu’il était dans son champ. Ceux qui l’ont mandaté se connaissent et la justice de la Côte d’Ivoire est une justice que nous estimons crédible qui peut nous aider à panser nos blessures encore béantes en mettant aux arrêts ces tueurs .  20, 30, 50 ans ou même la prison à perpétuité ne pourra faire revenir nos parents tués atrocement. Ce qui m’intéresse, c’est pourquoi lui un mécanicien de vélo est subitement devenu un tueur pour perpétrer toutes ces méchancetés à l’endroit de ses tuteurs. C’est cette vérité que nous voulons connaître davantage>>, fait-t-il savoir.
Dans le village de Bagohouo et tous les autres villages sur l’axe Duékoué-Bagohouo, tous souhaitent que justice soit rendue pour soulager la population.
<<Ce qui se passe aujourd’hui, c’est une bonne chose. Ça nous va droit au cœur. Les gens qui ont tué nos parents ici à carrefour vont devoir payer pour leurs crimes. Nous sommes vraiment contents. Amadé Ouérémi, c’est vrai c’est lui qui est sous les feux des rampes mais il n’est pas seul dans cette histoire de tuerie à Duékoué et surtout au quartier carrefour. Si c’est un début pour que tous les coupables répondent de leurs actes, c’est vraiment bien. Cela peut soulager nos peines.  Nous attendons de la justice une impartialité sans faille. De la manière que ça a commencé, que ça continue pour que tous les bourreaux du peuple wê soient retrouvés et jugés. Pour un tel procès, le faire en catimini, ce n’est pas bon. Il faut que ça soit retransmis sur les chaînes nationales pour que chacun soit imprégné de ce qui se passe. De nombreuses victimes ne savent pas que le procès a commencé. Il faut que les donnes changent. Il faut surtout trouver les commanditaires et les complices de toutes ces exactions pour que la population soit soulagée véritablement>>, souhaite Joël Koho, un parent de victime.
Solange Oulaï, envoyé spécial à Duékoué