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Quand l’épilepsie arrache la scolarité de certains élèves et hypothèque leur avenir (REPORTAGE)

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L’épilepsie, appelée souvent « maladie de la honte » est un symptôme neurologique causé par un dysfonctionnement passager du cerveau. Certains disent qu’il « court-circuite ». Lors d’une crise d’épilepsie, les neurones (cellules nerveuses cérébrales) produisent soudainement une décharge électrique anormale dans certaines zones cérébrales de l’homme. En Côte d’Ivoire, selon des chiffres donnés par l’Association ivoirienne de lutte contre l’épilepsie, 35 enfants sur 1000 souffrent de cette maladie.

Le 21 février 2024, journée dédiée à la lutte contre cette maladie, Konaté Mariam a pu venir de la ville d’Oumé, dans le centre-ouest ivoirien, pour faire soigner son enfant de 19 ans qui a contracté cette maladie à l’âge de 6 ans. Il a dû arrêter les cours compte tenu des difficultés qu’il rencontrait.

« C’est depuis son enfance, à l’âge de 6ans que nous avons constaté qu’il faisait des crises. J’avais commencé à Bonoua, mais son père ne vit plus maintenant. Donc nous sommes au village, c’est là-bas que nous avons rencontré l’ONG “Tous contre l’épilepsie”. Ils nous ont aidés, ils m’ont encouragé à continuer le suivi avec l’enfant. Depuis qu’on a commencé à prendre les médicaments, ça va un peu », raconte dame Konaté entre deux discussions avec nous lorsque que son fils fait l’EEG (l’abréviation de l’électro encéphalogramme, une méthode d’exploration cérébrale qui mesure l’activité électrique du cerveau par des électrodes placées sur le cuir chevelu souvent représentée sous la forme d’un tracé).

Scolarité des enfants mise à rude épreuve

Si l’épilepsie touche tous les âges avec son corollaire de difficulté, il n’épargne pas les tout-petits, qui parfois sont affectés par la maladie. Les causes ? Le professeur Doumbia Mariam Ouattara, présidente de l’Association ivoirienne de lutte contre l’épilepsie (AILE) souligne que chez les enfants, une grossesse mal suivie avec une souffrance du fœtus pendant la grossesse, un accouchement non médicalisé, un accouchement difficile, sont entre autres des causes entraînant l’épilepsie. Ce qui pousse souvent des écoles à refuser les enfants souffrant de cette pathologie.

Koné Sibiri, parent d’élève raconte avoir fait changer d’école plusieurs fois à sa fille pour ces raisons. Depuis la maternelle (à 5 ans), elle a des problèmes de prononciation de mots. « Quand elle parle, on n’entend pas ce qu’elle disait, on l’a quand même inscrite dans l’espoir qu’elle parle. Ça été tout un problème, jusqu’à l’âge de 7ans. On l’a pourtant inscrite au CP1 à 6 ans. C’est là que la maladie a commencé à s’aggraver, quand elle prenait un médicament qu’on nous a prescrit, ça allait, mais l’éducatrice a trouvé qu’elle était très agressive, elle s’attaquait aux autres élèves, jusqu’à ce que des parents d’élèves prennent une convocation contre nous, ses parents », explique-t-il. Après plusieurs échanges, M. Koné Sibiri a fait comprendre l’état de santé de sa fille aux parents. Il continue de son côté à exhorter les parents d’élèves à faire consulter leurs enfants pour avoir plus d’informations.

Tita Flora Léonce, parent d’enfant de 13 ans malade d’épilepsie présente deux (2) cas. En plus d’être épileptique, raconte-elle, son fils a un handicap, il est IMC (Incapacité motrice cérébral) depuis la naissance.

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« A la naissance, il n’a pas émis le premier cri, donc le cerveau n’a pas été oxygéné à temps. En plus du handicap, il fait des crises. On a détecté l’épilepsie après 6 mois, on a eu à faire un EEG. Et c’est là qu’on a su que l’enfant faisait des crises d’épilepsie, mais en même temps on a su qu’il y avait un souci au niveau de son cerveau. Donc depuis lors, on essaie tant bien que mal de prendre l’enfant en charge. On voit un neurologue régulièrement. Avec les médicaments, les crises ne sont pas trop accentuées, elles sont diminuées au fur et à mesure, par la grâce de Dieu » ajoute Tita Flora Léonce.

Elle a aussi indiqué que son fils ne va pas à l’école. « On essaie de faire avec, au quotidien, simplement que ce n’est pas facile, parce que la société ne connait pas cette maladie. La société ignore totalement de cette maladie, ils ont honte même de cette maladie. Même les parents de malades, ils ont honte de dire que leur enfant est malade, parce que comme on le dit, c’est une maladie honteuse.

Pour elle, ces enfants sont des personnes à part entière qui ont le droit d’être acceptés par la société.

« Lorsqu’un enfant fait une crise, là il y a du crachat qui vient, et il y a ce qui suit, les secousses et tout. Cependant, nous pensons que ce sont des personnes à part entière, ce sont des personnes comme tout autre. Ce sont des personnes qui ont le droit d’aller à l’école, le droit de se marier, et on demande à la société d’accepter les épileptiques parce que ce n’est pas une maladie contagieuse, d’abord, et comme je le disais, il y a une mauvaise publicité autour de cette maladie, le crachat d’un épileptique n’est pas contagieux », a-t-elle insisté.

Gratuité des soins

A l’occasion de la journée internationale de lutte contre l’épilepsie, c’est le centre régional d’Abobo qui a accueilli cette énième édition. La journée consiste à recevoir des patients tout en leur apportant un traitement. On prescrit des bilans pour la réalisation des EEG en cas de besoin. Il y a entre autres un volet sensibilisation pour expliquer comment vivre avec l’épilepsie, comment prendre le traitement. Il y a aussi le volet formation du personnel de santé à pouvoir détecter un malade de l’épilepsie et mettre en place un traitement avant de l’adresser chez le neurologue.

« L’épilepsie pose donc un véritable problème de santé publique dans notre pays. Cependant, cette pathologie reste encore mal connue de la population avec tout son cortège de préjugés et souvent sous-diagnostiquée par le personnel médical », explique Professeur Ouattara, présidente de l’Association ivoirienne de lutte contre l’épilepsie (AILE). Elle affirme que l’objectif de son organisation qui est « d’améliorer la connaissance et la prise en charge de l’épilepsie, par des actions de formation de professionnels de la santé et de sensibilisation de la population. C’est dans ce contexte que la présente journée est organisée en marge de la journée internationale de lutte contre l’épilepsie, en partenariat, avec la mairie d’Abobo, le district sanitaire d’Abobo, l’hôpital général Houphouët Boigny et nos partenaires pharmaceutiques, principalement les laboratoires Novartis, dans le but de renforcer les capacités des professionnels de la santé du district, à la prise en charge de l’épilepsie, et assurer une meilleure connaissance de cette affection, par la population d’Abobo ».

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Ce sont ces raisons qui ont motivé la création de l’association ivoirienne de lutte contre l’épilepsie, qui regroupe les professionnels de la santé impliqués dans la prise en charge de l’épilepsie.

Sandra KOHET