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Guézon- Arrivé en pompier, Kouadio Konan Bertin calme les ardeurs dans une localité sinistrée

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Les démons de conflits meurtriers que l’on croyait révolus dans le département de Duékoué, ont refait surface à nouveau, à Guézon, à une trentaine de kilomètres de Duékoué. Dans la nuit du dimanche 27 au lundi 28 décembre 2020 pour une histoire banale de chapeau d’un dozo, 7 personnes ont trouvé la mort, plusieurs autres blessées, près de quarante habitations incendiées ou détruites et d’importants dégâts matériels, dont le camp des masques incendié. Après les heurts, Konan Kouadio Bertin, le ministre ivoirien en charge de la réconciliation est dépêché sur le terrain pour une mission de pacification. 

Les sources du conflit meurtrier
Selon plusieurs sources, tout a commencé le 22 décembre 2020. Un “dozo” avec sur sa tête une coiffe, est pris à partie par un groupe de jeunes dont l’un finit par arracher, le chapeau. L’affaire est portée devant le chef du village et le sous-préfet. Plusieurs fois convoqué, le mis en cause ne présentera ni chez le chef, encore moins chez le sous-préfet. Et ce durant une semaine.
Les “dozo” sont des planteurs venus des régions Nord de la Côte d’Ivoire, ivoiriens et non ivoiriens, qui ont la coutume sacrée de la chasse et qui sont toujours munis de fusil calibre 12. Ils sont reconnus pour leur pouvoir mystique et la chasse aux gros animaux. Ils sont dans les régions de l’Ouest, pas pour la chasse mais, en tant que planteurs. Face à l’insécurité sur les pistes des campements, après la crise postélectorale de 2010-2011, ils ont érigé des barrages sur des axes routiers non parcourus par les forces de l’ordre.
Blessés dans leur amour propre, les “dozos” décident de laver l’affront. Dans la journée du dimanche 27 décembre 2020, ils font une battue dans le village et retrouve celui qui a le chapeau d’un des leurs. Une bagarre éclate. Lun d’eux, abandonné, par ses gris-gris protecteurs, reçoit un coup de gourdin à la tête. Il est sonné et s’écroule de tout son poids. Les gris-gris n’ont pu voir ce coup venir.
Il est transporté d’urgence au centre de santé du village où il est référé au CHR de Yamoussoukro au regard de son état. Le chef de la communauté dont est issu le “dozo” et Diomandé Drissa dit Loss, cadre du village mettent tout en œuvre et l’infortuné est évacué sur Yamoussoukro.
Malheureusement, il décède avant même d’accéder à la salle de soins. Informés de l’incident, le commandant de brigade de Duékoué, le corps préfectoral et Diomandé Drissa dit Loss, aidés d’autres bonnes volontés essaient d’apaiser les “dozos” pour éviter des représailles. Des dispositifs de sécurité sont mis en place pour contrer toutes velléités d’attaque ou de revanche. Malgré tout, le pire arrive.
Les “dozos” décident de venger leur frère mort. Ils font une expédition punitive dans le quartier Guéré en contournant le dispositif sécuritaire et laissant les autorités en négociation. <<Pendant que nous étions en train de parler, demander aux et autres de garder leur calme et que justice sera rendue, les choses ont dégénéré. Les gens ont commencé à mettre le feu aux maisons et c’était la débandade totale la nuit>>, explique un jeune élève dont la maison familiale est partie en fumée.
Un bilan triste et lourd
Le bilan de l’expédition punitive est sans appel. 6 personnes tuées dont trois calcinées, plusieurs blessés, 36 maisons incendiées ou détruites et de nombreux dégâts matériels. Des victimes rencontrées, sont inconsolables.
<<J’étais à la maison au moment où les “dozos” sont venus dans la cour d’à côté. Prise de peur j’ai fui pour me réfugier chez le voisin, un wobé qui vit avec nous au village. Je les voyais par la fenêtre casser la maison de mon père et y mettre le feu. Lui , Dieu merci il a eu la vie sauve. Après ils ont aussi mis le feu à ma maison. Tous les documents de mes parents, mes petits frères, mes enfants, mes affaires personnelles, l’argent que je gardais dans une caisse pour des projets d’agrandissement de mon commerce tout est parti en fumée. Je suis sortie pratiquement nue de ma maison. C’est difficile et je n’arrive pas à comprendre. Qu’avons-nous fait?>>, interroge une dame la quarantaine révolue les yeux larmoyants.
Chez Sohou Pauline, la douleur est grande. Son cousin de 18 ans est resté dans les flammes, les biens pillés et les maisons incendiées. <<Je ne sais pas ce que je vais faire. Mon enfant est décédé dans les flammes. Il a été calciné. Les gens sont venus avec des véhicules et ont pillé les maisons avant d’y mettre le feu. Ma fille étudiante qui est venue pour faire ses papiers a acheté de ‘l’akpi” de 150.000 francs pour revendre et continuer de payer ses études est en pleurs. Je suis veuve et c’est comme cela je me débrouille avec ma fille pour aider les enfants à réussir demain. Ils ont mis tous les efforts de plusieurs années à l’eau>>, pleure dame Sohou.
L’appel de la population
Désemparée, la population appelle le gouvernement ivoirien à l’aide. <<Nous avons tout perdu. Les morts ne peuvent pas être réveillés. Que l’État nous vienne en aide pour que nous puissions reprendre nos petits commerces pour nous occuper de nos enfants>>, pleure Sohou Pauline. Les “dozos” quant à eux, demandent à l’État d’intervenir pour que la cohésion sociale revienne.
<<Nous n’avons pas où aller. Quand nous arrivons même chez nous au Nord, on nous appellent des étrangers. Guézon est tout pour nous. Si nous détruisons Guézon, c’est notre souvenir et l’avenir de nos enfants que nous aurons détruits ainsi. Le mal est déjà fait, nous demandons au gouvernement de tout mettre en œuvre pour que nous continuons de vivre comme par le passé>>, indique le porte-parole de la communauté allochtone.
Kouadio Konan Bertin, en baptême de feu
C’est avec promptitude que le ministre de la Réconciliation nationale, Kouadio Konan Bertin est arrivé à Guézon. Au nom du Président de la République, Alassane OUATTARA et du gouvernement ivoirien, KKB est venu pour apaiser les cœurs et apporter la compassion de l’État de Côte d’Ivoire aux victimes.
<<Là où il y a un mort en Côte d’Ivoire, c’est déjà de trop. Le Premier Ministre m’a dépêché pour venir compatir à vos douleurs. Je vous demande pardon chers parents Guéré. Vous n’avez rien fait de mal pour mériter cela. Quelle que soit la gravité des choses, nul n’a le droit de se faire justice. Je ne peux pas vous dire d’aller vous venger. Vous êtes bons de cœur et je vous demande de rester ce que vous êtes>>, a recommandé KKB à la communauté Guéré qu’il a rencontrée.
Pour lui, il faut anticiper pour éviter des pertes en vies humaines comme il est donné de constater en Côte d’Ivoire. <<Je préfère anticiper, je ne fuis pas le danger. Il faut agir. Il faut régler les problèmes. Tuer son frère devient une culture pour l’ivoirien. Ce comportement, nous les hommes politiques devront arrêter. Je ne veux pas laisser les choses pourrir. Je n’aime l’échec. Je dois réussir ma mission et c’est avec vous. Nous reviendrons ici pour cicatriser les blessures. Pour l’heure, il faut calmer le jeu. Le gouvernement ivoirien ne peut pas vous abandonner>>, a assuré le ministre de la Réconciliation nationale.
Dans la communauté allogène comme au cours de la rencontre avec les communautés dans la salle des réunions de la sous-préfecture de Duékoué, Konan Kouadio Bertin a demandé aux et autres de taire les querelles pour ensemble, avec le président, tourner la page de belligérance.
<<Il y a un temps pour tout. Il y a un temps pour faire la palabre et il y a un temps pour faire la paix. On a amorcé le dialogue politique qui avance bien. La Côte d’Ivoire est à un tournant de son histoire. Nous sommes dans une dynamique de paix. Nous devons sortir de la belligérance. C’est ensemble que vous avez construit le destin de votre département. Je suis venu, j’ai vu l’ampleur des dégâts. Je demande à tous de garder le calme. Nous aurons le temps d’aborder les questions de fond>>, a terminé l’émissaire du gouvernement.  Il a fait des dons en numéraire aux femmes des disparus.  Aussi, KKB et sa délégation se sont-ils rendus au chevet des blessés internés au CHR de Duékoué, où des instructions ont été données pour leur prise en charge médicale totale.
Solange Oulaï, Envoyée spéciale à Duékoué