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Climat- Le GIEC recommande la modernisation de l’agriculture et la promotion de la recherche scientifique sur le climat

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Ce mardi 17 aout 2021, une séance de présentation du sixième rapport d’évaluation (RE6) du climat rédigé par le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) s’est tenue à la SODEXAM.
Animée conjointement par Daouda KONATE, Directeur de la Météorologie Nationale, Président du Conseil Régional  Afrique de l’Organisation Météorologique Mondiale, et Dr DJE Kouakou Bernard, Point focal GIEC pour la Côte d’Ivoire, cette séance a permis d’intervenir sur l’impact des changements climatiques  en Côte d’Ivoire et généralement en Afrique. Et aussi, d’insister sur l’urgente nécessité d’agir pour la préservation du climat, face aux dangers des changements climatiques sur notre pays.
Publié le 9 août 2021, la rédaction du rapport d’évaluation du climat a débuté en 2017-2018, et rassemble les connaissances scientifiques les plus récentes et les plus complètes du système climatique et des changements climatiques à ce jour. Il met à jour le contenu du rapport précédent qui date de 2013-2014.
Comme par le passé, les différents volumes du rapport d’évaluation au nombre de quatre seront publiés progressivement, à la suite du premier volet intitulé : “Changements climatiques : les éléments scientifiques”.
Cette partie du rapport concerne principalement l’observation du climat, la compréhension des processus qui influencent le climat, l’évaluation des modèles, et les projections pour le futur. Les délégués des 195 États membres du GIEC dont la Côte d’Ivoire, ont également approuvé le Résumé pour les décideurs de ce rapport, après l’avoir discuté phrase par phrase pendant une réunion qui s’est tenue du 26 juillet au 6 août.
Selon le rapport, il est de plus en plus probable que le réchauffement planétaire excède 1,5 °C au cours des prochaines décennies. Il souligne aussi qu’à moins de réductions immédiates, rapides et massives des émissions de gaz à effet de serre, la limitation du réchauffement aux alentours de 1,5 °C, ou même à 2 °C, sera hors de portée. L’ampleur des changements récents dans l’ensemble du système climatique et l’état actuel de nombreux aspects du système climatique sont sans précédent depuis plusieurs siècles à plusieurs millénaires.
Les changements climatiques d’origine humaine affectent déjà de nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes dans toutes les régions du monde. Les preuves de changements observés dans les phénomènes extrêmes tels que les vagues de chaleur, les fortes précipitations, les sécheresses et les cyclones tropicaux, et, en particulier, leur attribution à l’influence humaine, se sont renforcées depuis le 5ème rapport d’évaluation (RE5).
L’amélioration de la connaissance des processus climatiques basée sur de meilleurs jeux de données d’observation pour évaluer le réchauffement passé, ainsi que sur les progrès accomplis dans la compréhension scientifique de la réponse du système climatique aux émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine indique une estimation de la sensibilité climatique à l’équilibre établie à 3°C, avec une gamme d’incertitude plus étroite que dans le RE5.
Changements croissants dans toutes les régions
La température de la surface du la Terre continuera à augmenter au moins jusqu’au milieu du siècle dans tous les scénarios d’émissions envisagés. Le réchauffement planétaire dépassera 1,5°C et 2°C au cours du 21ème siècle, à moins que des réductions importantes des émissions de CO₂ et d’autres gaz à effet de serre n’interviennent au cours des prochaines décennies.
Les changements climatiques s’accentueront dans toutes les régions au cours des prochaines décennies. Dans le cas d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C, les vagues de chaleur seront plus nombreuses, les saisons chaudes plus longues et les saisons froides plus courtes. Avec une hausse de 2 °C, les chaleurs extrêmes atteindraient plus souvent des seuils de tolérance critiques pour l’agriculture et la santé publique.
Selon les projections, la poursuite du réchauffement climatique continuera à intensifier le cycle global de l’eau, y compris sa variabilité, les précipitations associées à la mousson globale et l’intensité des événements pluvieux et des sécheresses.
Pour les scénarios où les émissions de CO₂ augmentent, les projections montrent que les puits de carbone océaniques et terrestres seront moins efficaces pour ralentir l’accumulation de CO₂ dans l’atmosphère.
De nombreux changements causés par les émissions passées et futures de gaz à effet de serre sont irréversibles pendant des siècles, voire des millénaires, en particulier les changements au niveau des océans, des calottes glaciaires et du niveau global des mers. Mais il ne s’agit pas seulement de température. L’évolution du climat entraîne de nombreux changements qui diffèrent selon la région et qui augmenteront tous avec la poursuite du réchauffement. Ces modifications concernent l’humidité et la sécheresse, les vents, la neige et la glace, les zones côtières et les océans.
– Le changement climatique intensifie le cycle de l’eau. Cela apporte des pluies plus intenses, avec les inondations qui les accompagnent, et des sécheresses plus intenses dans de nombreuses régions;
– Le changement climatique modifie la répartition des pluies. Il est probable que les précipitations augmenteront aux hautes latitudes, alors qu’une baisse est projetée dans une grande partie des régions subtropicales. Des changements sont attendus dans les pluies de mousson, qui varieront d’une région à l’autre;
– Les zones côtières seront confrontées à l’élévation du niveau de la mer tout au long du XXIe siècle, qui contribuera à accroître la fréquence et la gravité des inondations dans les zones de faible altitude et à accentuer l’érosion du littoral. Les épisodes de niveaux marins extrêmes qui survenaient une fois tous les 100 ans dans le passé pourraient se produire tous les ans d’ici à la fin du siècle;
– La poursuite du réchauffement amplifiera le dégel du pergélisol et la perte de manteau neigeux saisonnier, la fonte des glaciers et des calottes glaciaires et la diminution des glaces de mer arctiques en été ;
– Les changements dans l’océan, dont le réchauffement, la fréquence accrue des vagues de chaleur marines, l’acidification et la baisse de la teneur en oxygène, ont été clairement reliés aux activités humaines. Ils affectent les écosystèmes marins, aussi bien que les populations qui dépendent de ceux-ci, et ils se poursuivront au moins jusqu’à la fin de ce siècle;
– Il est possible que certains aspects du changement climatique soient accentués dans les villes, notamment la chaleur (les milieux urbains étant souvent plus chauds que les zones environnantes) et, dans les villes côtières, les inondations dues à de fortes précipitations et à l’élévation du niveau de la mer
Influence humaine sur le climat passé et futur :
Des avancées majeures dans la science permettent de saisir le rôle du changement climatique dans l’intensification de phénomènes météorologiques et climatiques tels que les vagues de chaleur extrêmes et les épisodes de fortes pluies.
Les actions humaines peuvent encore déterminer l’évolution du climat à venir. Il est clairement établi que le dioxyde de carbone (CO₂) est le principal moteur du changement climatique, même si d’autres gaz à effet de serre et divers polluants atmosphériques affectent eux aussi le climat.
Pour limiter le réchauffement climatique d’origine humaine à un niveau donné, il faut limiter les émissions cumulées de CO₂, tout en réduisant fortement les émissions d’autres gaz à effet de serre. Des réductions fortes, rapides et durables des émissions de CH₄ limiteraient également l’effet du réchauffement dû à la réduction de la pollution par les aérosols et amélioreraient la qualité de l’air.
Informations climatiques pour l’évaluation des risques et l’adaptation régionale
Les facteurs naturels et la variabilité interne moduleront les changements causés par l’homme, surtout à l’échelle régionale et à court terme, avec peu d’effets sur le réchauffement climatique à l’échelle du siècle. Il est important de tenir compte de ces modulations pour faire de la planification en intégrant l’ensemble des changements possibles.
Avec la poursuite du réchauffement climatique, les projections indiquent que toutes les régions seront de plus en plus soumises aux changements simultanés et multiples de facteurs d’impact climatique. Les changements de plusieurs facteurs d’impact climatique seraient plus étendus à 2°C qu’à 1,5°C et encore plus étendus et/ou prononcés pour des niveaux de réchauffement plus élevés.
Observations et impacts du changement climatique en Côte d’Ivoire
• Observations de l’évolution de la température et de pluviométrie
Au niveau de la thermométrie, les études d’observation montrent que la Côte d’Ivoire s’est réchauffée en moyenne de 0,6°C depuis la décennie 1960. Parmi les 10 années les plus chaudes enregistrées depuis 1960, neuf (09) ont été relevées depuis l’an 2000. Les  5 années les plus chaudes en Côte d’Ivoire depuis 1960, sont 1998, 2010, 2016, 2018 et 2019.  Le record d’année la plus chaude en Côte d’Ivoire est l’année 2010 avec un écart de +1,3°C.
Pluviométrie
Le climat en Côte d’Ivoire a connu beaucoup de fluctuations depuis les années 50. Les décennies 50 et 60 ont été relativement humides tandis que les décennies 70 à 2020 ont été relativement sèches avec quelques épisodes humides. La baisse pluviométrique moyenne est d’environ 7%  par rapport à la moyenne (référence) climatologique 1961-1990.
Pluies exceptionnelles
Le pays a connu des épisodes pluvieux avec des quantités de pluie historiques notamment celles enregistrées le 19 juin 2018 dans la commune de Cocody avec 302,3 mm d’eau précipitée en 24h.
En 2020, la quantité de pluie enregistrée à Cocody le 25 juin 2020 a été de 252 mm en 24h et a été aussi qualifiée d’exceptionnelle.
Cela montre la récurrence des extrêmes climatiques au cours de ces dernières années.
Tendances futures
En fonction des scénaris, il est prévu que la température en Côte d’Ivoire augmente de plus de 3°C d’ici à 2100 par rapport à la référence 1991-2000 selon le scénario RCP4.5 ( Representative Concentration Pathway  ou Itinéraire de Concentration représentatif du CO2)   qui projettent le développement avec la prise en compte des stratégies d’adaptation et d’atténuation en fonction du niveau de CO2 dans l’atmosphère. Les températures seront plus élevées avec des épisodes extrêmes dans la partie nord du pays.
Les tendances en matière de précipitations bien que assez incertaines, indiquent une baisse des précipitations annuelles pouvant atteindre 8% d’ici à 2100 selon le scénario RCP4.5. Les périodes sèches et humides pourraient être plus récurrentes et prononcées.
Impacts climatiques potentiels
Le pays est très sensible aux chocs du changement climatique. L’indice de vulnérabilité au changement climatique de la Côte d’Ivoire est l’un des plus élevés au monde. Selon le rapport  de la Banque mondiale, le pays devrait être confronté à l’horizon 2050 à l’effet combiné de la hausse des températures (+2 degrés Celsius), de la baisse des précipitations (-9%) et de la montée des eaux des océans (30 cm) (Banque Mondiale, 2018).
Aussi, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le changement climatique pourrait faire baisser le PIB de l’ensemble de l’Afrique de 2 à 4 % d’ici 2040 et entre 10 et 25 % en 2100. Pour la Côte d’Ivoire, cela correspondrait à une perte équivalente de 380 à 770 milliards de FCFA. Ces pertes se répartiraient entre le secteur agricole, le capital humain et les infrastructures. Plus grave, le changement climatique pourrait faire basculer dans l’extrême pauvreté 2 % à 6 % de ménages supplémentaires d’ici 2030.
Impacts climatiques actuels
Des études menées par la SODEXAM (Service Météorologique National) montrent que les fluctuactions climatiques enregistrés dans le pays ont entraîné :
• la baisse effective de la pluviométrie depuis les trois dernières décennies ;
• l’irrégularité des pluies (mauvaise répartition) ;
• le raccourcissement de la longueur des saisons pluvieuses ;
• la hausse des températures ;
• la persistance et rigueur des saisons sèches ;
• les inondations ;
• les feux de brousse fréquents;
• l’érosion côtière ;
• la perturbation de la production d’hydroélectricité.
RECOMMANDATIONS
A la suite du rapport sur l’état du climat et des conséquences pour la Côte d’Ivoire, nous formulons les recommandations suivantes
– Maintenir le niveau de taux de réduction du CO₂ : la Côte d’Ivoire dans le rapport CDN  pour la COP 21 ambitionne le taux de réduction inconditionnelle de CO₂ le plus ambitieux de toute la région CEDEAO à l’horizon 2030, à savoir 28%. Le maintien de cet engagement et ambitieux taux est nécessaire pour lutter contre la déforestation et l’érosion côtière.
– Augmenter la résilience des infrastructures : Le changement climatique risque de provoquer des dégâts importants dans le secteur des infrastructures en Côte d’Ivoire. Essentielles au commerce des produits agricoles, les infrastructures de transport sont particulièrement vulnérables aux événements météorologiques extrêmes. Il faudra donc investir dans des infrastructures résistantes au climat.
– Moderniser l’agriculture en vue de mieux s’adapter aux chocs pluviométriques: Sachant que les cultures sont principalement pluviales, les rendements dépendent de la disponibilité de l’eau de pluie et sont sujets à la sécheresse. Il faudra de plus en plus agir dans  l’utilisation d’équipements d’irrigation qui reste limitée en raison des faibles niveaux de mécanisation.
– Promotion de la recherche et la formation scientifique dans le domaine du climat : la SODEXAM et les centres de recherche doivent avoir les capacités techniques pour faire des recherches sur la science du climat et proposer des scénarios de l’évolution du climat en vue de la prise de décision. A l’initiative de la SODEXAM, point focal GIEC, et en collaboration avec le MINEDD ;  un groupe national d’experts sur l’évolution du climat est en cours de mise en place avec l’appui du PNUD. Les textes règlementaires  de création, notamment l’arrêté interministériel et autres décisions réglementaires, seront soumis à l’appréciation du Gouvernement.
– Renforcement des capacités du service météorologique national : la SODEXAM  a pour mission la prévention, l’alerte, la vigilance face aux risques climatiques extrêmes permettant de réduire les dégâts et pertes en vie humaines. Le renforcement de ses capacités en termes de surveillance, équipements, fonctionnement est nécessaire pour préserver le niveau d’adaptation national aux chocs climatiques.
– Intégration des changements climatiques dans les stratégies de développement à travers l’intégration de l’adaptation au changement climatique et de la gestion des risques de catastrophes dans les plans de développement aux niveaux national, régional et local ainsi que dans les stratégies sectorielles les plus pertinentes (par exemple transport, agriculture, pêche, exploitation pétrolière, construction).