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Centrafrique- Vote d’un président sous le feu d’une rébellion avec la peur au ventre

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La Centrafrique vote ce dimanche 27 décembre pour élire son président et ses députés dans un contexte tendu. Des groupes armés, réunis au sein d’une coalition afin d’empêcher les élections, ont entamé une descente vers la capitale Bangui. De violents combats ont éclaté dans l’intérieur du pays, où la tenue du scrutin demeure incertaine en raison des menaces et de la peur instaurée ces derniers jours.

Les bureaux de vote ont ouvert avec près d’une heure de retard, ce dimanche 27 décembre en Centrafrique pour des élections présidentielle et législative sous haute tension. Quelque 1,8 million d’électeurs sont appelés aux urnes.

À l’école préfectorale du quartier Bimbo par exemple, l’ouverture était prévue à 6 heures, mais à cette heure-là les portes étaient encore fermées. Depuis, les urnes et les kits électoraux sont arrivés et les électeurs attendaient dans le calme, rapporte notre envoyée spéciale. À la mairie, le responsable de l’Autorité nationale des élections (ANE) pour ce secteur nous expliquait qu’en raison des craintes sécuritaires, il avait préféré attendre que le jour soit levé pour acheminer le matériel jusqu’au bureau de vote.

Quelques tirs dans la nuit

Quelques tirs isolés ont été entendus au milieu de la nuit à Bangui, d’origine indéterminée, mais depuis, tout est calme dans la capitale. Et les électeurs que RFI a rencontrés disent leur détermination à ne pas céder à la peur. « On veut voter car on veut la paix et en finir avec les rébellions », nous confiait une femme qui attendait l’ouverture du bureau, sa fille sur les genoux. Moi, je suis rassuré, « tout va bien se passer à Bangui, mais je m’inquiète pour mes frères dans le reste du pays », nous disait un père de famille, visiblement ému, car une partie de sa famille est à Moba et lui ont confié au téléphone avoir reçu des menaces de la part de groupes armés pour les dissuader d’aller voter.

À Ngaragba, autre bureau de vote de la capitale, le scrutin a également débuté avec une petite heure de retard, rapporte notre correspondante. Un retard expliqué par un souci de transport : le matériel (urnes, isoloirs et autres) a été délivré avec l’aide des gendarmes qui sont arrivés à 6h, heure supposée de l’ouverture du bureau. Puis cela a été la course pour installer tout le matériel. Mais les premiers votants ont pu glisser leur bulletin dans les urnes vers 7h ce dimanche.

Appel de Bozizé au boycott

François Bozizé, accusé par les Nations unies d’être derrière la rébellion et qui avait jusque-là un positionnement ambigu, a lancé ce dimanche matin en sango un appel relayé sur Internet, dans lequel il déclare fermement, cette fois, soutenir la rébellion. Il a également appelé les Centrafricains à ne pas se rendre aux urnes ce dimanche.

Samedi encore, à la veille du scrutin, des combats se poursuivaient dans le pays entre des groupes armés réunis au sein de la Coalition patriote pour le changement (CPC) et les forces gouvernementales. Vendredi 25 décembre encore, trois casques bleus ont été tués.

La Cour constitutionnelle confirme le scrutin

Ces derniers jours, les appels à un report technique du scrutin se sont multipliés, en raison de ces violences et de leurs conséquences sur les préparatifs du vote. Jeudi, après le retrait de Jean-Serge Bokassa, six candidats d’opposition ont ainsi saisi la Cour constitutionnelle pour demander la « reprise des élections », en vertu de l’article 115 du Code électoral. Celui-ci prévoit la reprise de l’organisation de l’élection avec une nouvelle liste de candidats en cas de « retrait de l’un des candidats entre la publication de la liste des candidats et le premier jour du scrutin ».

Au total, huit recours pour reporter ces élections ont été déposés. La Cour constitutionnelle les a tous rejetés. Dans une décision rendue samedi, elle fait valoir qu’un report du scrutin ne permettrait pas de respecter les délais constitutionnels prévoyant l’installation d’un nouveau président, au plus tard le 30 mars prochain. Les partenaires internationaux de la Centrafrique, la Minusca en tête, n’ont cessé de plaider pour maintenir le vote à la date prévue, pour ne pas « donner raison à ceux qui veulent entraîner le pays dans une transition », comme le déclarait encore vendredi le patron de la Minusca, optimiste sur la capacité de la mission des Nations unies à « faire face » à la situation.

La Centrafrique a aussi reçu des renforts du Rwanda et de la Russie. Une aide qui n’empêchait pas, samedi soir, des sources diplomatiques d’exprimer en coulisse leur inquiétude sur les risques sécuritaires qui pèsent sur ce vote. Dans la capitale, restée épargnée par les violences (en dépit de rumeurs d’intrusion d’éléments armés en début de semaine), il y a un certain engouement. Gerville, Banguissois, a confié à Charlotte Cosset pour RFI sa satisfaction de voir ce vote maintenu : « C’est notre devoir, en tant que Centrafricain digne, de dire qu’on a le droit de voter pour construire notre pays. »

Mais la situation sécuritaire beaucoup plus incertaine dans le reste du pays suscite des inquiétudes et des incompréhensions. Raphaël, un autre habitant de la capitale, résume ce sentiment : « Les élections ne vont-elles se passer qu’à Bangui ? Et à l’intérieur du pays, comment ça va se passer ? La Cour a décidé, pas de problème ; mais les bandits armés sont en train de sévir à l’intérieur du pays ! Ça n’a pas de sens. »

De multiples motifs d’inquiétude

La Minusca et l’ANE ont tenu des discours rassurants ces trois derniers jours. Mais samedi, il était encore difficile d’obtenir des chiffres précis. Selon la Minusca, vendredi, la distribution des cartes d’électeurs avait débuté dans 87% des centres de vote, mais impossible de savoir combien de Centrafricains avaient effectivement retiré leur carte, note notre envoyée spéciale Florence Morice.

Même chose pour le déploiement du matériel : en parallèle des discours optimistes – et difficiles à vérifier –, des témoignages venus de plusieurs localités de l’intérieur du pays posent questions. Samedi, selon nos informations, le matériel était globalement arrivé dans les démembrements, mais commençait seulement dans de nombreux endroits à être acheminé jusqu’aux centres et bureaux de vote.

Quid aussi du matériel électoral détruit ou confisqué au cours des attaques, comme ce fut le cas à Bambari ? Sans oublier plusieurs témoignages de la part d’agents de l’Autorité en charge des élections, qui ont confié avoir reçu des menaces de la part de plusieurs groupes armés dans différentes zones du pays. Ces agents oseront-ils ouvrir les bureaux de vote ? Et la population osera-t-elle aller voter ? Sachant que, depuis le début de cette crise, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a déjà recensé des dizaines de milliers de nouveaux déplacés, fuyant les affrontements ou l’arrivée des groupes armés dans leurs localités.

NDLR: Le titre est de la rédaction

RFI.FR